Valentine Henriette Prax naît en 1897 à Bône (Algérie). Son père Henri Prax, Catalan de Perpignan est établi comme exploitant forestier dans cette ville qui est le deuxième port d’Algérie. Il exerce aussi les fonctions de vice-consul. Sa mère est d’origine sicilienne avec des attaches à Marseille, une autre ville portuaire et à Constantine.
Après trois années d’étude à l'École des Beaux-Arts d'Alger, Valentine Prax se décide à vendre quelques bijoux donnés par sa grand-mère pour financer son voyage vers la France. Elle quitte sa famille, son pays et débarque à Paris en 1919, tout juste majeure. Elle emménage dans l’atelier du 35 rue Rousselet, où elle commence par faire de la peinture sur porcelaine et des dessins de mode. Elle fait rapidement la connaissance de son voisin du second étage, le sculpteur Zadkine, qui l’entraîne dans le courant des avant-gardes de Montparnasse, au petit café enfumé et bondé d’artistes de la Rotonde, au Dôme.
Valentine découvre alors les Cubistes, les Fauves, Picasso, Braque, Van Dongen, les toiles de Cézanne, la collection personnelle du marchand Ambroise Vollard, la lecture d’Apollinaire et de Max Jacob. Elle plante son chevalet à Bièvres, à Clamart, à Montfort-l’Amaury ou Marly-le-Roi et réalise des paysages dans des harmonies de gris, vert et brun. Néanmoins, Valentine Prax ne peint pas d’après modèle mais contemple le monde le retranscrit à travers un prisme poétique.
L’été 1920, Foujita et Fernande Barrey accueillent Valentine à Collioure. Elle reçoit alors un télégramme de Zadkine : « Viens. Parlerons mariage ». Elle le rejoint aussitôt à Bruniquel, cité médiévale du Quercy que Zadkine a adoptée. Ils se marient le 14 août 1920. Les parents de Valentine ont fait le voyage. Les Foujita sont leurs témoins.
Après une première exposition personnelle à la galerie Mouninou de la rue Marbeuf en avril 1920, elle expose pour la première fois au Salon des Indépendants. En décembre 1921, Valentine Prax expose à la galerie La Licorne que dirige le grand collectionneur Maurice Girardin. La critique lui reconnaît une « spontanéité fraîche et sans fard », une « ingénuité qui se rit de l’ignorance ». De son côté Zborowski, le marchand de Modigliani, lui achète quelques toiles et lui ouvre un compte chez un marchand de couleurs. Valentine peut continuer de peindre en toute quiétude. Ses envois au Salon d’Automne, à l’exposition internationale des arts de Düsseldorf (1922) et au Salon des Femmes Peintres (1923) furent remarqués. En 1924, elle expose à la galerie Berthe Weil.
Deux caractéristiques se dégagent de ces premiers tableaux: le souci de la composition et la sobriété. Valentine Prax établie en totale maîtrise les cadences rythmiques qui régissent l’espace de ses tableaux. Ils sont construits en grands plans, d’allure géométrique. Le dessin est précis, les tons sont froids et la composition est serrée, groupant nettement les formes. A cette période, elle hésite entre le primitivisme naïf du Douanier Rousseau et le néo-réalisme de Charles Dufresne ou de Roger de la Fresnaye. De 1926 à 1931 son activité est prodigieuse. Chaque année elle présente ses œuvres dans une ou plusieurs expositions. La jeune femme connaît alors un réel succès commercial avec ses « fixés sous verre » – une technique utilisée jadis par les imagiers populaires : présentée au travers de la vitre, la couleur reste très fraîche, étonnamment lumineuse. Le musée conserve quelques uns de ces petits formats – La Musique, La Musicienne – que Valentine Prax sertissait dans des cadres Louis XIV dénichés tantôt au marché aux Puces, tantôt chez des antiquaires de Carcassonne ou de Toulouse. En mai 1926, elle signe un contrat avec La Galerie Barbazanges qui compte parmi ses « poulains » Charles Dufresne et le sculpteur Despiau. A Bruxelles, plusieurs expositions lui sont consacrées – à la Galerie Sélection en 1922, à la Galerie Le Centaure en février 1927.
Dans les environs de Bruniquel, Valentine Prax et Zadkine s’éprennent du beau village de Caylus, cher à Antoine Bourdelle. Ils y reviennent chaque été et finissent par y acheter une maison délabrée. Dans ce pays du Quercy, Valentine donne une nouvelle direction à son travail, la couleur s’est réchauffée, la matière assouplie, la composition se fait plus dense, savante. Les leçons de Cézanne et du cubisme, l’estime et les conseils du peintre Charles Dufresne (1876-1938) ont porté leurs fruits. La Procession, Couple de paysans à Caylus, L’Atelier du menuisier, Nature morte avec lapins et poule retiennent l’attention des amateurs parisiens.
A coté de cette veine rustique, la mythologie où « la joie de vivre éclate en couleurs » lui inspire toute une série de peintures sur L’Enlèvement d’Europe. Rien ne pèse, rien ne bride le bleu céleste et fluide de ces espaces marins que l’on retrouve dans Le Royaume d’Amphitrite, dans Femmes et chevaux. Valentine Prax commence alors à disloquer les formes sous l’attrait du cubisme, à les reconstituer. Sa maîtrise du dessin et de la composition lui permet de jouer avec les plans mais surtout de conférer une âme à la géométrie.
En 1928 Zadkine et Valentine ont quitté la rue Rousselet où ils travaillaient dans des conditions très précaires pour un atelier plus confortable au 100 rue d’Assas.
Quand ils n’occupent pas l’atelier parisien, les deux artistes sont dans leur maison aux Arques, acquise en septembre 1934. Passablement délabrée, la demeure séculaire dispose néanmoins d’une grange et de beaux espaces où le couple aménage quatre ateliers. Valentine peut enfin peindre à son aise.
Valentine Prax est désormais un nom reconnu, des expositions personnelles lui sont consacrées à Londres, à Chicago, à Philadelphie, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles en décembre 1934. A Paris, elle participe au Salon d’Automne de 1933 et 1936, au Salon des Tuileries de 1935. A l’occasion de « l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne » inaugurée en mai 1937, Valentine Prax se voit confier la peinture de l’une des grandes verrières du musée d’Art moderne, sur le thème de l’Aviation.
La guerre frappe alors que Prax et Zadkine se trouvent aux Arques : Zadkine poursuit la taille du grand Christ (1938/1940) en bois d’orme, aujourd’hui déposé dans l’église du village ; de son côté Valentine s’est attelée à un projet de cartons de tapisserie pour l'atelier Legoueix d'Aubusson mais les événements se précipitent et les tapisseries ne seront pas exécutées, en dépit du soutien de Jean Lurçat. Face à la menace, Valentine trouve en elle des forces insoupçonnées. Elle convainc Zadkine d’embarquer in extremis pour les Etats-Unis mais décide de rester pour défendre leurs œuvres. L’atelier parisien de la rue d’Assas est confisqué. Elle sauve les bronzes de Zadkine mais déchire ses toiles « plutôt que de les voir éparpillées sous la botte nazie ». Elle endure la faim et les angoisses de l’Occupation dans la complète solitude de la maison des Arques, en proie aux persécutions de la milice locale. La peinture est son seul viatique – « cette période de la guerre fut la meilleure pour ma production artistique », confesse-t-elle. Elle réalise alors La Fin des temps heureux, Arlequin dans la ferme dévastée, La Fin des temps romantiques. La Rêveuse de 1945 marque un tournant dans son travail qui se tourne vers le baroquisme moderne. Les lignes s’enroulent, ondulent à la manière de serpents, se développent en spirales qui contrastent avec des constructions géométriques. L’artiste synthétise les plans du rêve et de la réalité dans une logique surréaliste. A partir de ce moment, le travail de Valentine Prax conservera l’empreinte d’une vision pathétique du monde. L’angoisse subie pendant les années de guerre persiste longtemps dans l’âme de l’artiste et se reflète avec une force saisissante. A Paris, la Galerie de France lui consacre avec succès une exposition en octobre 1942, néanmoins, elle rencontre véritablement le succès qu’après la fin de la guerre à la Galerie d’art du Faubourg en mai 1950, au Salon des Tuileries et au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles en 1951, au Salon d’Automne de 1952.
A la fin des années 50, Valentine Prax trouve enfin le calme et fait apparaître son intérêt pour la musique dans ses toiles en faisant apparaître des violons, des guitares et d’autres instruments mais surtout la musique intérieure qui s’exprime par le chant des couleurs vives. Elle peint La Jeune et la Vieille Sorcière, Les Sorcières en transes, Les Naïades, qui opèrent comme un sortilège pour retrouver la paix et l’harmonie de La vie intérieure, un tableau que Valentine achève vers 1960.
L’année 1963 lui apporte la consécration d’une grande exposition à la Galerie Katia Granoff qui réunit cinquante tableaux. Désormais le monde de Valentine se déploie Entre l’Onde et l’Azur, affranchi du « risque latent des gouffres verts », délivré des « bateaux sans voile comme des oiseaux blessés » (poème inédit). Elle réalise alors de nombreuses toiles sur le thème de la mer : Le Dernier voilier (1960), Jeu marin (1966), Les Gens de la mer (1966), Les Gens heureux ou Le Jour enchanté (1969-1970), Le Pauvre Pêcheur (1970), L’Enfant heureux(vers 1970).
À la mort de Zadkine en 1967, sur la volonté expresse de l'artiste, Valentine Prax travaille à la création d'un musée parisien, dans leur atelier rue d’Assas. Le musée est constitué d'un fonds d'environ 300 œuvres de Zadkine qui souhaitait les léguer à la ville de Paris. Valentine Prax continue de peindre, d’exposer – Galerie Chappe-Lautier à Toulouse en 1968, Galerie René Drouet à Paris en 1968, 1971, 1973, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1976. Encouragée par Jacques Lassaigne, directeur du musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, elle entreprend des démarches auprès de la Ville qui accepte en 1978 une donation d’une importante partie de ses biens. L’année suivante, une exposition Zadkine à l’Hôtel de Ville marque l’événement. Cette donation est confirmée par le testament de 1980 où Valentine Prax lègue à la Ville de Paris la totalité de ses biens, à charge pour la municipalité de créer un musée rue d’Assas. Le 15 avril 1981, Valentine Prax meurt. Un an plus tard, le 19 avril 1982, Jacques Chirac, maire de Paris, inaugure le musée Zadkine.