Georges Rouault est né dans une cave en 1871, ce lieu insolite a sans doute marqué sa vision du monde, à jamais douloureuse et dramatique : "je crois, au milieu des massacres, des incendies et des épouvantements, avoir, de la cave où je suis né, gardé dans les yeux et dans l'esprit la matière fugitive que le bon feu fixe et incruste." (lettre à Suarès, 1913)
A 14 ans, Rouault devient apprenti chez un peintre de vitraux ; peu après l'adolescent traverse une grave crise morale et découvre la foi. A 20 ans il s'inscrit à l'Ecole des Beaux-Arts et devient un des élèves de Gustave Moreau. A la mort de ce dernier en 1898, Rouault traverse à nouveau une période de solitude et de crise, l'artiste se lie avec des écrivains chrétiens comme Huysmans et Léon Bloy.
Dans les années 1910 à Paris, Rouault peint des tableaux célébrant la mort, la passion du Christ, les filles, les clowns, les saltimbanques, tableaux dans lesquels Rouault pose son regard sur la déchéance humaine, regard tantôt protecteur, tantôt sévère sur les existences vides de toute vie spirituelle. La figure du Christ est un thème qui revient dans ses tableaux plusieurs dizaines de fois. La presse hélas ne suit pas, on le traite de fumiste, le grand critique Camille Mauclair, en 1930, rend cet implacable jugement, dont Rouault eut beaucoup de mal à se remettre : "Sous l'épileptique, on sent le chiqué".
Ses tableaux deviennent moins sombres à mesure que l'artiste vieillit, ses personnages notamment acquièrent une expression plus sereine. Rouault peint environ 800 tableaux dans sa vie ; à la fin de la seconde guerre mondiale, il entreprend de faire un inventaire de toute son oeuvre. Ces peintures étaient alors la possession de Vollard avec qui Rouault avait signé un contrat d'exclusivité. Considérant que certains de ces tableaux étaient imparfaits, Rouault obtint d'un tribunal la restitution des oeuvres en question au terme d'un procès qui fit grand bruit et qui dura presque 10 ans. Une fois en possession de ces tableaux, Rouault les brula. 300 peintures partirent ainsi en fumée. Rouault est mort en 1958.
Rouault s'est intéressé toute sa vie aux techniques de la gravure et de la lithographie. On lui doit nombre d'estampes, lithographies originales mais surtout d'importantes aquatintes en couleurs, il a aussi illustré des livres qui sont aujourd'hui très rares et recherchés : "les fleurs du mal" de Baudelaire, avec 14 gravures à l'eau forte, "les réincarnations du Père Ubu", illustré de 22 gravures à l'eau forte et de 104 gravures sur bois, et ses deux chefs d'oeuvres : "passion" de Suarès pour lequel Rouault a gravé 17 eaux fortes et aquatintes en couleurs, enfin "miserere" illustré de 58 gravures à l'eau forte.